Près de la fenêtre, tu regardes la neige tomber, perplexe. Pas que la neige soit rare à Osvenbourg, d'aussi loin que tu te souviennes, tes hivers ont toujours ou presque été ponctués de ces petits flocons blancs. Mais cette fois, les choses sont différentes, le blizzard n'a pas cessé depuis plusieurs jours, et se fait plus fort à chaque heure qui passe. Et le pire est à venir. Tu ne saurais pas l'expliquer, tu n'as aucun élément concret pour appuyer ton affirmation, mais tu le sens. Non, tu le sais. Peut-être est-ce ton affinité naturelle pour la neige, celle-là même à qui tu dois la gemme qui orne tes vêtements, peut-être est-ce simplement ton instinct qui te le dicte, mais tu en es certain, quelque chose d'intéressant ne va pas tarder à se produire. Et tu as bien l'intention d'être présent lorsque cela arrivera.
Tu repasses en revue les informations que tu as glanées jusqu'à présent. Sans surprise, le conseil t'avait convoqué dès que la chute de neige s'était intensifiée. Avec un pouvoir comme le tien, il était tout à fait naturel que la question te soit posée. Du moins, en théorie. Avant même d'entrer dans la salle où ils t'avaient donné rendez-vous, tu en avais pris conscience : si l'Obsidienne te posait la question, c'est que leurs yeux et oreilles sur le terrain n'avaient pas rapporté d'indice satisfaisant sur la provenance de cette neige. En un mot, ils ne savaient pas d'où elle venait. Donc le conseil ne savait pas d'où cette neige venait. Ce qui t'offrait une merveilleuse occasion de te montrer utile – à défaut d'être en capacité de créer un tel blizzard, tu serais celui qui leur apporterait la gemme de ce prodige sur un plateau.
Un gloussement s'échappa de tes lèvres. Parler – penser – ainsi ne te ressemblait pas vraiment. A vrai dire, ce serait plus le genre de choses que ta binôme pourrait dire. A croire que tu passais trop de temps avec...
« Onyx ? »
Tu avais à peine murmuré le nom, mais tu étais certain qu'elle l'avait entendu. Parce que même sans l'avoir vue rentrer, tu savais qu'elle était entrée en douce dans la pièce pendant que tu méditais, tu pourrais presque la toucher tant tu sentais sa présence autour de toi.
« Laisse moi deviner : tu as un indice sur l'auteur de ce mystérieux tourbillon et tu as prévu de mettre la main sur sa gemme. Je me trompe ? » demandes-tu en attrapant ton manteau et ton arme.
« Allons-y, je viens avec toi. Je ne peux pas te laisser t'amuser toute seule. Et puis, il faut bien un garde-fou pour t'empêcher de t'attirer des ennuis » poursuis-tu en te retournant vers l'ombre supposée de ta sœur.
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Mais comment il fait à chaque fois ce couillon ? Je sors de l'ombre, vexée. « Non, j'ai aucune idée, je bougonne, mais `va pas garder sa gemme longtemps c'est sûr. » J'évite de dire trop fort que j'aime pas la neige mais il sait que j'en pense pas moins. La sienne est bien la seule que je puisse supporter, et c'est bien parce que c'est lui, mais de toutes façons même lui utilise plutôt de la glace. La neige ça sert vraiment à rien. Ce blanc, ça fout le cafard ; en plus on se pèle le cul, recouvert.es d'épaisseurs infinies et on peut plus s'agiter comme on veut. Sans oublier qu'on se casse la gueule de manière continue dès que cette connerie se met à geler ou fondre. A la limite le seul truc marrant c'est les boules de neige gelées qu'on peut jeter à la gueule des gens. Je pensais que le problème "blizzard" allait sonner les cloches des daron.nes d'Obsidienne, mais, si ça les intéresse, iels ne l'ont pas montré plus que ça. J'écoutais à la porte pour savoir ce qu'iels voulaient à Esus mais j'ai été super déçue. Juste des affaires d'argent inintéressantes ; entre ça et penser qu'aux gemmes, je vois pas pourquoi on aurait envie d'aller s'emmerder dans ce conseil ! Et s'iels savaient quelque chose, je pense qu'iels ne nous l'auraient pas caché ; nos pouvoirs sont clairement les plus utiles dans cette situation. Donc iels ne savent rien. Esus non plus apparemment. Personne ne sait rien. Parfait ça ! `Ne reste plus qu'à briller. « C'est plutôt toi qu'as ce genre d'inspiration d'habitude. » Pour savoir qui, ce serait plus simple de savoir pourquoi ; moi ça me fait penser à une diversion, mais trop de choses dans la ville peuvent être une cible pour que ça puisse donner un indice. « Iel est pas seul.e de toutes façons. » Déjà parce que je vois pas comment une seule personne peut maintenir un tel niveau de magie durant tant de temps, et aussi parce qu'iel ne peut pas à la fois faire la diversion et s'occuper de la raison pour laquelle il y a une diversion. `Y'a peut-être une gemme d'amplification en plus (avec la personne associée) ? Je suis étonnée que l'Obsidienne ait pu passer à côté de deux gemmes aussi puissantes. Je pense pas qu'un petit gang puisse être à l'origine de ça. Alors iels viendraient d'en dehors de la ville ? Qu'est-ce qu'iels viendraient marcher dans nos plates-bandes, là ?! « Iels viennent probablement d'ailleurs ; cette diversion, c'est pour un gros truc. Le roi exhibe encore un de ses trésors en ce moment ? Ou les religieux.se peut-être... » Réfléchir à ce genre de trucs, c'est pas mon fort ; je dois probablement lui répéter des choses auxquelles il a déjà pensé. Ça doit probablement être super naïf en plus. « Je serais bien partie vers le quartier chicos pour voir un peu ; voire carrément les abords du palais. »
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Onyx ne cesse jamais de m'amuser. Je la connais par cœur, probablement mieux que je me connais moi-même, et pourtant à chacune de ses réactions, si vives, si brutes, je redécouvre ce sentiment de fraicheur et de vie qui me fait cruellement défaut.
« Et c'est là que nous intervenons, je suppose ? On vole la gemme miracle, on la rapporte à l'Obsidienne, on devient les nouveaux héros, quelque chose du genre ? » je rétorque, gentiment moqueur.
« Remarque, ça pourrait fonctionner. Rien que pour l'air médusé du conseil. » j'ajoute, sachant pertinemment que plus que la gloire, ce serait la meilleure récompense pour ma jumelle.
Comme tout membre de l'organisation, elle obéit aux ordres qu'elle reçoit, mais il ne faut pas être devin pour savoir qu'elle ne porte pas plus notre conseil dans son cœur que moi – à de rares exceptions près. Si je leur reproche un certain manque d'ambition et une prudence un peu ennuyeuse, ma sœur les voit très probablement comme des vieux.lles schnocks qui prennent la poussière – du moins pour la majorité des membres. Mais outre la satisfaction personnelle, l'idée d'Onyx présente un intérêt certain. Un tel coup d'éclat nous paverait très probablement une belle route pour la suite de nos carrières. Je doute que ma jumelle y pense beaucoup, mais un jour nous nous lasserons probablement du terrain- ou serons trop blessés pour continuer à y officier – et aurons besoin de nous rendre utile d'une autre façon. Des sièges au conseil seraient notre meilleure option. Ce n'est pas pour demain – fort heureusement, pas avant d'avoir pu profiter encore un peu du danger et fait un peu de ménage avant – mais ce genre de plan demande de la préparation.
« Il faut bien que je te laisse quelques occasions de briller, sœurette » je la charrie gentiment.
Elle a ce talent pour faire sortir l'enfant facétieux que je peux être par moments. Lorsqu'elle est là je me montre plus volontiers plaisantin, en partie parce que je sais que tant qu'elle est présente j'ai une complice dans quelle que soit la plaisanterie du moment.
« Exact, ce qui veut dire que non pas une mais deux gemmes – ou plus - ont échappé à la vigilance du conseil. »
Je ne m'attendais toutefois pas à ce qu'elle pousse le raisonnement plus loin, mais il semblerait que ma sœur se soit posée pour réfléchir cette fois.
« Je suis de ton avis pour la diversion. Mais pour la suite j'ai ma propre théorie. Il y a un élément qui ne colle pas, attends je vais te montrer, tu vas comprendre. » je m'interromps pour voir si elle comprend où je veux en venir. Pendant ce temps, je pose mon arme, verrouille soigneusement portes et fenêtres, avant de sortir une carte de la ville que je déplie sur la table.
« As-tu pu déterminer où est l'épicentre de notre blizzard ? Si nos voleurs en avaient après les gemmes royales, ils auraient sans aucun doute concentré leur tempête assez loin du palais pour ne pas interférer avec leur larcin, mais à un endroit suffisamment embêtant pour que l'attention ne soit plus sur le palais, le Quartier Général de l'armée par exemple. Comme ça, ils auraient pu à la fois détourner l'attention, empêcher la garde d'arriver rapidement jusqu'au palais, et s'assurer de pouvoir entrer et sortir sans que la neige ne les dérange. Seulement, l'oeil de notre cyclone est ailleurs. »
Je la laisse patiemment regarder la carte et en tirer les conclusions, distillant les indices ci et là.
« A vrai dire je pense que si notre tempête de neige surprise tombe justement au moment où son Altesse Royale exhibe ses nouveaux joujoux, c'est justement pour que l'on pense que c'est ce que nos voleurs ciblent. Mais leur but est ailleurs. Réfléchis, qu'est-ce qui pourrait justifier de telles mesures, si ce n'est voler une gemme royale ? » Tout en parlant, je glisse lentement mon index vers une zone précise de la carte. Lorsque je suppose qu'elle suit mon raisonnement, je lui livre ma conclusion.
« … Si les gardes sont soit occupés par la tempête, soit en patrouille au palais au cas où quelque chose ne se produise pendant la démonstration de notre roi adoré, le reste de la ville est laissé sans surveillance ou presque. Ce serait le moment idéal de faire entrer ou sortir un produit du pays en douce. » je termine en tapotant du bout du doigt la zone portuaire sur la carte.
« Et si nous allions faire un petit tour sur les docks ? J'ai une soudaine envie de poisson, pas toi ? » je conclus avec un clin d'oeil.
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Il est vraiment la seule personne qui puisse se foutre de moi et s'en sortir sans une égratignure. Il le sait d'ailleurs, et il en profite. Il a bien sûr tout de suite compris mon intention. Certes nos actions pourraient être profitables pour l'Obsidienne, mais le cœur de mes motivations reste bien le mérite que j'en récupère. Mais pas pour les mêmes raisons que lui. Je ne me considère pas faisant partie de l'élite ; les décisions me passent au-dessus, tant que mes privilèges demeurent. Je n'ai pas d'ambition concernant l'obtention de pouvoir, je souhaite surtout devenir assez indispensable pour acquérir une immunité durable : qu'on ne vienne pas me faire chier et qu'on continue de me donner des trucs fun à faire. Et puis bon, il y a aussi le simple fait que je ne supporte pas de rester passive ; si je me retrouve à devoir subir quelque chose mais qu'une solution se profile, je vais bien sûr l'arracher de force. En l’occurrence, cette neige insupportable provoquée par un.e enfoiré.e qui n'est pas prêt.e pour ce qui va lui tomber dessus. Esus essaye de me faire croire une genre de fable dans laquelle j'ai encore une idée farfelue et qu'il va daigner m'accompagner pour éviter que je fasse trop de conneries, mais, bien qu'une partie soit totalement vraie, je sais qu'il n'est pas du tout désintéressé, au contraire. Je sais qu'il vise bien plus haut que moi. Au-delà des privilèges, son but est de gravir les échelons, jusqu'à pouvoir participer aux décisions. Ce qui n'est pas pour me déplaire ; avec un membre du conseil dans la poche, je me ferai de vieux os. Pas forcément en bon état, mais cela doit dépendre de moi, et moi seule. Bon, bien sûr, comme d'habitude, il me devance d'une bonne longueur dans sa réflexion, mais ça fait longtemps que ça ne blesse plus mon égo. Il est mon plus précieux allié dans cette vie ; un esprit de compétition sérieux nous éloignerait trop, et ça me ferait trop de mal. De toutes façons, c'est surtout parce que je ne me considère pas comme une grande stratège, et je n'ai pas envie d'en être une ; déjà pas comme une intellectuelle. Ça fait plus partie de sa nature à lui, alors je lui laisse volontiers ces lauriers, et je pense que ça lui convient. Je me laisse volontiers prendre au jeu de piste qu'il me propose ; ce n'est pas parce que je n'arrive pas à me poser pour réfléchir ou me cultiver que je refuse catégoriquement d'essayer. Mine de rien, écouter les étapes de son raisonnement me permet d'améliorer les miens ; je n'ai pas des œillères au point de penser qu'il n'y a aucun intérêt à ça. Le problème est surtout que je n'écoute que soixante pour cent de ce qu'il me dit et que ça en retarde forcément l'aboutissement du raisonnement. « Ok c'est parti ! je réponds, très enthousiaste d'enfin passer à l'action. » Emportée par mon élan, j'ouvre la fenêtre avec énergie, me prend une bourrasque d'air glacé chargée de flocons, passe une jambe par le cadre et considère la distance à parcourir depuis les toits. « Hmmmm... Bon ok peut-être pas par là. » On grimpera en arrivant au port. En plus j'en oubliais mon manteau. Heureusement, le blizzard est toujours là pour rappeler à l'ordre. Je pousse la grande porte d'entrée en grommelant. Les jolies rues du quartier des bourges ont été saccagées par la tempête au même titre que le reste de la ville. `Pas un chat dans la rue, et je les comprends. Je ne suis pas beaucoup sortie depuis l'apparition de cet enfer, seulement pour aller m'entrainer, et c'est bien la seule chose qui aurait pu me motiver pour le faire, au moment où je pensais encore que c'était qu'un mauvais moment de l'hiver à passer. Les bourges ont de toutes façons de quoi tenir longtemps avant d'être forcé.es à sortir pour pas crever de faim. Ça doit être autre chose dans les quartiers de grouillots. La promenade jusqu'au port ne s'annonce pas plaisante. J'irais même jusqu'à dire que ça va bien me faire chier. Mais c'est pour une bonne cause. « Cielui qui touche cette vitre avec une boule de neige a gagné ! je m'exclame en inaugurant le bal*. »
Je jette un œil occasionnel à ma jumelle tandis que je lui expose mon raisonnement. Pas pour m'assurer qu'elle suive, Onyx est plus prompte à se jeter dans le feu de l'action qu'à analyser froidement une situation, mais il serait stupide et surtout dangereux de sous-estimer son raisonnement. Ce que je cherche avant tout dans ses traits, c'est son approbation. Il y a peu de personnes que je respecte suffisamment pour prendre la peine d'accorder de l'importance à leur avis, mais Onyx en fait partie. Nous sommes les jumeaux de l'ombre, nous nous complétons, et s'assurer que l'autre est sur la même longueur d'ondes est presque vital. En particulier pour une mission aussi risquée – et spontanée – que celle que nous nous apprêtons à effectuer. Le conseil n'ayant donné ni ordre ni même autorisation pour cette capture, nous sommes seuls face à des ennemis de toute évidence futés et bien équipés. Nous ne pouvons compter que l'un sur l'autre, et elle comme moi devons être prêts – et concentrés – à 200%. Heureusement, Onyx ne fait jamais les choses à moitié, lorsqu'elle se lance dans quelque chose – compétition, entrainement, mission, elle le fait corps et âme, et je suis bien placé pour connaître la portée de sa résolution lorsqu'elle me répond...
… Ce qui n'empêche pas un rire amusé de m'échapper en la voyant ouvrir la fenêtre et en enjamber le battant. J'arque un sourcil un peu narquois devant son abus d'enthousiasme et lui ouvre élégamment la porte, un peu moqueur.
« Si Madame veut bien se donner la peine » lui dis-je en m'inclinant au moment où elle franchit la porte, pour singer les nobles et bourgeois qu'elle méprise tellement.
Dehors, c'est le chaos. Pour la plupart des gens, l'apocalypse s'envisage en ténèbres noires ou flammes rougeoyantes, mais à mes yeux cette tempête de glace pourrait tout à fait conduire au même résultat. En plus de ce blanc éclatant et à première vue uniforme qui rend la visibilité difficile, le vent cinglant nous fouette le visage et limite notre pouvoir de concentration. Et dire que la neige est si belle, si douce – mortelle entre mes mains. Je suis presque peiné de la voir ainsi.
Pour autant, une pensée m'amuse, me rassure presque même. Jamais je n'avais vu ce quartier, habituellement si propret dans un tel état. J'imagine que la situation est bien pire encore dans les bas-fonds, mais ce chaos au milieu d'un espace que les habitants pensaient sûr me conforte. Quels que soient leurs moyens financiers, les humains ne restent jamais que des mammifères soumis aux mêmes contraintes.Je jette un coup d'oeil à Onyx, ses joues que je devine rougies par le froid. Mon affinité avec la glace – et les heures d'entrainement qu'il m'a fallu pour plier ma gemme à mes volontés – m’octroient une résistance naturelle au froid. De son côté, ma brûlante flamme jumelle peut compter sur ses pouvoirs pour se tenir au chaud. Nous sommes vraiment les éléments les mieux indiqués pour une mission à l'extérieure par ce temps, et je ne peux que m'en réjouir. Les mains enfouies au fond des poches, mon écharpe remontées jusqu'à mes pommettes, je la suis sans un mot, devinant sans mal qu'elle s'ennuie déjà – Onyx a toujours eu besoin d'un maximum de stimuli. « Défi accepté ! Honneur à la créatrice du défi » lui dis-je simplement en la regardant former sa boule de neige et la lancer droit sur sa cible.
« Un point pour toi. C'est à mon tour de choisir ! » j'ajoute, me prenant déjà au jeu.
Je ne suis pas naturellement compétiteur. Habituellement, tant que l'objectif est atteint, cela me suffit. Mais Onyx et moi avons ce rituel de nous motiver l'un l'autre en nous défiant régulièrement. C'est une des choses qui nous maintient sur la brèche, nous permet de nous améliorer.
« Un point pour cielui qui traverse cette plaque de verglas sans tomber. Et un point supplémentaire s'ielle parvient à slalomer entre ces caisses » je propose en désignant une place gelée, avant de m'élancer sans attendre sa réponse.
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