La brosse à cheveux, incrustée de pierres précieuses, glissait lentement dans la chevelure ondulée de la princesse.

C'était un des moments de la journée qu'elle préférait. Isabelle, assise devant sa coiffeuse, tout juste vêtue de sa robe du jour, se laissait coiffer par sa dame de compagnie. Cristal n'avait pas son pareil pour donner à la princesse tantôt un aspect digne et noble, tantôt un aspect détaché mais déterminé, tantôt une allure de fillette. Cela dépendait des humeurs d'Isabelle, de ce qu'elle souhaitait pour cette journée, de ce qu'elle voulait incarner le temps de quelques heures. Tresses, chignons, ondulations, Cristal avait appris à produire toutes les combinaisons à la mode, afin qu'Isabelle ne soit jamais dépassée, et, parfois même, elle veillait à ce qu'Isabelle elle même lance la prochaine mode. Cristal jubilait de voir toutes les jeunes filles de sang noble arborer la même coupe de cheveux dans les jours qui suivent l'apparition en public de la princesse. Mais, ce qui plaisait le plus à la dame de compagnie en ces instants, c'était la tranquillité, l'intimité entre les deux femmes. Soit dans un silence apaisant, soit en discutant, en échangeant les derniers ragots ou les dernières histoires, Cristal veillait cependant à ce que rien de fâcheux n'arrive aux oreilles de la princesse. Et, des rumeurs, elle en apprenait beaucoup, que ce soit de la bouche de sa protégée ou de celle des servantes.

Ce jour là, Cristal prit le temps de terminer avant de laisser la jeune femme s'admirer devant la glace. Lorsqu'elle eu décidé que c'était parfait, Cristal prit congé et laissa Isabelle, le temps de quelques heures. La princesse allait à présent déjeuner et se consacrer à l'étude. Cristal avait donc quelques heures devant elle pour retrouver un semblant de liberté. Elle monta dans sa chambre et s'habilla, enfilant une tenue plus sobre mais à la fois digne. Elle nous ses longs cheveux sombres en une simple tresse qu'elle laissa retomber sur son épaule et, pris d'une envie de fantaisie, y glissa une fleur à son extrémité. Elle sourit, amusée de voir que, malgré son âge, elle pouvait encore se comporter comme une enfant. Elle effectua un tour sur elle même, faisant virevolter le bas de sa robe et ne put s'empêcher de rire tout bas. Voilà qui aurait fait rire sa chère Célestine. D'ailleurs... Voilà une belle idée pour rendre cette journée encore plus belle.
La dame de compagnie ouvrit son armoire, glissa une bouteille de vin dans son sac besace et, usant de sa gemme, elle se transforma en Martre. Ainsi elle passerait totalement inaperçu.

Galopant sur ses petites pattes, l'animal se glissait d'arbre en arbre puis s'esquiva du palais, passant par les toits, connaissant par coeur le chemin qui la menait à son foyer. Un chat tenta de la poursuivre mais, vaillante, la martre s'arrêta, se retourna et chargea le chat qui ne comprit pas ce qui lui arrivait. Elle reprit ensuite sa route, sans fatigue, vaillante, ne poursuivant qu'un seul but. Elle arriva au QG, la demeure des Falcone. Se glissant sans un bruit jusqu'à la fenêtre de la chambre de sa soeur, elle trouva cette dernière en pleine lecture, tasse de thé fumante sur son guéridon. Cristal entra, toujours sans un bruit et se glissa jusqu'aux pieds de sa soeur. Du bout du museau, elle toucha sa cheville et, quand Célestine leva la tête pour la regarder, elle reprit sa forme humaine, esquissant un sourire et écartant un peu les bras. Elle dit : Ne me dis pas que tu bois du thé à cette heure, ma soeur. Elle l'embrassa sur la joue et posa sur le guéridon la bouteille de vin. Elle dit ensuite : Tu me manquais, affreusement. Un mois sans te voir, c'est beaucoup trop long, ma chère sœur. Cristal prit une chaise et s'assit. Elle dit : Mais je suis heureuse de voir que rien n'a changé. Comment te portes tu, ma chérie ?