Cry or Die (Roland)

“Cry or die.”

Ne vous y trompez pas, la vie d'un homme marié est tout sauf reposante.

Certes, j'ai désormais quelqu'un pour veiller sur moi, sur qui je peux compter. Certes, elle m'apporte beaucoup d'avantages, tant sur le plan pratique que physique, mais c'est épuisant à la longue. Felicia a le caractère s'apparentant à celui d'un PitBull enragé. Elle est têtue, imbue de sa personne... En vérité... Et cela me tue de le reconnaître, nous nous ressemblons beaucoup. Cela ne fait que quelques semaines que nous sommes mariés, devenus mari et femme devant les Dieux, et je peine encore à m'habituer à sa présence. J'ai pu laisser de côté ma garçonnière qui me servait de logement dans le Temple pour récupérer une petite maisonnette, située toujours dans le territoire du Temple mais assez excentré pour nous offrir un peu de tranquilité et d'intimité. Intimité, nous en avons bien profité, et ce, dés le premier jour. Je n'ai désormais qu'un seul objectif avec cette femme : concevoir un héritier. Les enfants n'étaient pour moi qu'une vague possibilité, quelque chose que je ne pensais avoir qu'une fois couronné, mais Felicia avait raison sur ce point : en famille, nous sommes plus forts. J'aurais plus de crédibilité et de légitimité à m'asseoir sur le trône avec un héritier déjà existant. Encore mieux, si mon enfant est suffisamment grand pour être doué de raison au moment où l'on posera la couronne sur ma tête, cela ne fera que renforcer mon pouvoir, car il y aura déjà un prince qui sera en âge d'apprendre à régner.

Ce jour là, présent dans le quartier bourgeois, je sors d'une maison endeuillée. Une famille venait de perdre son patriarche et j'étais venu, en tant que Haut Prêtre, pour évoquer les préparatifs de la dernière cérémonie de cet homme estimé de ces rues. La famille, honorée, pensant ne recevoir qu'un simple prêtre, m'a accueillie comme un roi et je dois avouer que cela m'a fait plaisir. J'ai donc fait mon travail, avec brio, comme d'habitude. La famille était comblée, bien que toujours attristée par le deuil. Je sors donc de la maison, marchant la tête haute, ne répondant que par des saluts de tête à ceux qui s'inclinent devant moi. Je prends tout de même le temps de m'arrêter pour échanger quelques mots avec les familles les plus riches de ces rues bourgeoises. Puis, après un moment, je parviens à m'éloigner du centre de ce quartier et retrouve un peu de tranquilité. Je souffle doucement, étirant mon dos endolori d'être resté trop droit, trop digne. C'est un mal pour un bien. En me faisant aimer du peuple, je gagne peu à peu en légitimité.

Une odeur cuivrée que je connais bien m'interpelle pendant quelques secondes lorsque je passe devant une ruelle. Je m'arrête quelques instants, humant l'air, avant de repartir, me disant que je n'avais pas de temps à perdre. Le sang coule tous les jours et partout dans cette ville. Les agressions, les rixes et assassinats ne sont que monnaie courante. Plus pour longtemps. J'avance encore de quelques pas et entends une voix qui m'interpelle. Je me retourne pour voir une femme s'effondrer devant moi, couverte de sang. Voilà d'où venait cette odeur. Je n'hésite pas, répondant à mes principes de prêtre qui est au service de la population et je rattrape la femme juste avant qu'elle ne finisse totalement au sol. Mes bras sous ses aisselles, je la relève et libère l'un de mes bras pour la passer sous ses jambes, la portant comme une jeune mariée. Cela me fait penser que je n'ai jamais porté une femme ainsi, pas même Felicia. Je reviens vers la ruelle pour l'asseoir contre le mur. Après un rapide examen, je repère sans mal l'origine de ce sang. Elle est gravement blessée. Je relève son habit et pose la main sur sa plaie. Enfin, déclenchant le pouvoir de ma gemme de guérison, je murmure : Ô toi qui sait ce que nous endurons ici, ne nous oublie pas dans tes prières. La gemme relâcha son pouvoir, refermant la plaie, apportant vie et force en cette pauvre femme. La voyant reprendre quelques couleurs, je me rappelle de cette flasque offerte par la famille que je venais de quitter, en guise de remerciement. En argent, et très bien ouvragée avec cette représentation d'une de nos déesses, je la sors de la poche de ma robe de prêtre et la tends à la femme : Buvez, cela vous fera du bien. Je la laisse boire et, après quelques secondes, je dis : Qu'est il arrivé ? Comment vous sentez vous ?

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“Cry or die.”

La femme reprenait vie, sa blessure disparaissait, son corps récupérait son énergie.

Je soupire doucement et lui tends la flasque d'eau de vie qu'on m'a offerte quelques temps plus tôt. Elle la saisit sans hésiter et en avale le contenu. C'est bon signe. Généralement, ma gemme de guérison fonctionne bien, même très bien, elle a contribué à ma réussite et à ma renommée au sein du Temple. Mais il arrive parfois que certains patients ne supportent pas l'apport magique qui les traverse, quand bien même ce dernier est bénéfique pour eux. Rares sont les mourants à succomber sous ma main, mais cela arrive, quand la personne est trop faible, lorsqu'elle a déjà cessé le combat. La femme n'est pas de ceux là. Je la regarde attentivement pendant qu'elle s'hydrate. J'ai déjà vu cette étrange couleur de cheveux quelque part. C'était au Lupin, si je me souviens bien, et c'était un homme. Ils se ressemblent beaucoup. J'en déduis qu'ils sont de la même famille, ou alors c'est une étrange coïncidence. Je lui demande ce qu'il lui est arrivé et elle me réponds qu'elle a trébuché sur un couteau.

Je comprends alors qu'elle ne m'en dira pas plus. Je laisse échapper un sourire et réponds : Ils ont tendance à beaucoup trainer au sol, dans cette ville. J'entends par là que je sais que les agressions ne sont pas rares, même dans les beaux quartiers. Pour peu que cela parte en règlement de compte, en duel... Les lames et les armes à feu sont, avec les gemmes, de puissants moyens de dissuader ou, à défaut, d'ôter la vie. Je n'en demande pas plus à cette femme, cela ne m'intéresse pas. En revanche, son apparent lien de parenté avec cet homme du Lupin est bien plus attrayant. Elle me dit que je lui avais sauvé la vie. Je souris simplement en guise de réponse, ne cherchant pas à me glorifier. Cela ne sert à rien après tout, je suis déjà le meilleur dans mon domaine, pas besoin d'en rajouter. Elle me demanda alors ce qu'elle pouvait faire pour me remercier. Je l'aide à se relever d'une main forte et, après quelques secondes, je lui réponds : Le Haut Prêtre que je suis ne demande rien, car tel est mon devoir d'aider mon prochain, et je le referais sans hésiter pour le bien de mon peuple. Je me tourne ensuite vers elle et reprends : L'homme, en revanche, a reconnu un trait caractéristique chez vous. Je crois comprendre que vous êtes reliée d'une façon ou d'une autre au Lupin, et à une certaine organisation que je cherche à contacter. Vous comprenez très certainement où je veux en venir...

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“Cry or die.”

Elle ne peut se retenir d'être surprise lorsque je lui avoue qu'elle pourrait m'aider à joindre une certaine organisation.

Elle ne devait pas s'attendre à cela. Que pouvait elle bien imaginer ? Un Haut Prêtre apparait aux yeux du peuple comme une sorte d'être un peu surnaturel, en dehors de la réalité, plongé dans son monde et choyé bien à l'abri entre les murs du Temple... Il en est tout autre. Si les anciens vivent reclus pour la plupart, je suis sans doute le seul à arpenter le terrain, à aller à la rencontre des plus démunis, à mettre les mains dans la boue si le besoin s'en fait sentir pour ne serait ce que permettre à un enfant de manger à sa faim, le temps de quelques jours. Le peuple, hélas, s'imagine pour la plupart qu'un Haut Prêtre ne se rabaisserait jamais aussi bas. Alors je peux comprendre que cette jeune femme soit surprise alors que j'évoque, en jouant sur les allusions, l'Obsidienne. Elle prétexta bien entendu l'ignorance, feignant ne pas savoir, elle me répondit qu'elle ne travaillait pas au Lupin, et que je devrais voir directement avec eux. Je plisse les yeux et attends la suite. Je sais que je ne vais pas tarder à attirer définitivement son attention.

Elle me demanda en effet ce que je leur voulais, demandant si une bière que j'avais commandé avait été mauvaise. Je laisse échapper un petit sourire et lui réponds : Au contraire, bien au contraire. Je sais d'instinct que je m'adresse à la bonne personne. Je ne crains donc pas de continuer sur ma lancée. Je dis alors, à voix basse comme toujours : Si je devais rencontrer les dirigeants du Lupin, et ceux de l'organisation que je souhaiterais contacter, je leur dirais qu'il y a un homme, dans cette ville, qui a un marché à leur proposer. Un marché qui ne pourra que leur être profitable, j'en suis certain. Je souris et reprends : Je ne suis qu'un humble messager du Destin après tout. A voir si les bonnes personnes sauront saisir la bonne opportunité. Reprenant un ton normal, je dis ensuite : Je suis soulagé que vous ailliez bien. A présent, je dois m'assurer que vous serez en sécurité. Puis je au moins vous raccompagner jusqu'à chez vous, ou à l'endroit de votre choix ? Je peux siffler mon cheval, il nous y conduira en un rien de temps. Qu'en pensez vous ? Je lui laisse le choix. Soit elle me congédie, auquel cas je lui laisserais le temps de la réflexion, et cela me donnera à moi aussi le temps de trouver une autre solution pour approcher l'Obsidienne. Mais si elle accepte d'en entendre un peu plus, cela signifie que j'ai réussi à ferrer le poisson et, par les Dieux, je vais devoir maintenir la ligne jusqu'à ce que je puisse soit la sortir de l'eau et obtenir le trophée, soit la relâcher et attendre que ma bienveillance fasse son effet sur tout le banc de poissons.

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